Majesty of seas Le bâteau de François Zanellahttp://perso.wanadoo.fr/bernard.joannes/bateau.htm
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Il n'est pas que beau ton bateau, Zanella
François Zanella a vécu hier le plus beau jour de sa vie. Son bateau, une réplique au 1/8e du Majesty of the Seas, a été mis à l'eau hier, à Sarreguemines, en Moselle. Plusieurs milliers de personnes étaient là, dont ses amis soudeurs des chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire. Le rêve de l'ancien mineur lorrain vogue enfin.
SARREGUEMINES (correspondance). - Il n'est pas du genre à pleurer, François Zanella. « D'habitude, je suis plutôt bourru et grande gueule... » Pas hier. A 13 h 15, sous le soleil qui inondait le canal de la Sarre, au coeur de Sarreguemines, capitale lorraine de la faïence, une grue a soulevé « son » paquebot. Une réplique millimétrée du Majesty of the Seas, construit en 1992 par les Chantiers de l'Atlantique. 33,50 m de long, 90 tonnes. L'oeuvre de sa vie. L'aboutissement de dizaines de milliers d'heures de travail, dans son jardin de Morsbach, petite commune minière à l'extrême-est de la France...
« Un soir à table, j'ai dit à ma femme : «Je vais faire un bateau.» Elle a répondu : « Vas-y. » J'ai relevé le défi : « OK, je le fais... » » C'était il y a onze ans. Pour tromper l'angoisse avant la mise à l'eau, le mineur retraité de 56 ans bat le rappel des souvenirs. « À 11 ans, j'ai été scotché par l'inauguration du France, à la télé. Je revois encore le général de Gaulle ; la bouteille de champagne éclatant sur la coque... » Plus tard, « quand François remontait de la mine, il n'avait de cesse de construire des bateaux en modèle réduit », témoigne Yasmine, son épouse. « Quand j'ai eu 9 ans, il a décidé d'en construire un vrai. On passait nos vacances de port en port, pour visiter des navires, reprend sa fille Cindy. Et de retour à Morsbach, j'entendais les gens chuchoter qu'il était fou... » François Zanella sourit : « C'est vrai. »
Mais il n'a pas calé. « J'ai eu le soutien des copains des Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire. Ces types sont vraiment formidables. Ils ont pris sur leurs vacances pour venir m'aider en Lorraine, pas vraiment un port de pêche ! » Ensemble, ils ont soudé la coque du mini Majesty of the Seas. « Le plus gros morceau... Dans les années suivantes, j'ai reçu plusieurs semi-remorques de matériels en provenance de Saint-Nazaire, ce qui m'a permis de faire les faux plafonds avec de vraies tôles de paquebots, ou encore de m'offrir, s'il vous plaît, la moquette du Queen Mary II dans mon salon ! »
Une sirène retentit. Plusieurs milliers de spectateurs retiennent leur souffle. François Zanella essuie ses larmes, discrètement. En douceur, la grue pivote vers la surface de l'eau, le Majesty of the Seas suspendu au bout de quatre énormes câbles. Pour détendre l'atmosphère, Pierre Lang, député de la Moselle, rapporteur du budget de la défense à l'Assemblée nationale, évoque « la Moselle, historiquement deuxième département pourvoyeur de moussaillons de la Marine nationale, juste derrière la Bretagne ».
La maquette du paquebot effleure la rivière, la foule applaudit déjà. Mais François Zanella semble décomposé. La rameuse Maud Fontenoy, marraine de son bateau, lui tient les mains affectueusement. Le maire de Sarreguemines enlace le mineur : « Ca va aller, François. Encore quelques secondes... » François n'est toujours pas soulagé : « Attendez, faut voir s'il flotte, encore une minute, plus que dix centimètres. » Les câbles se détendent. Le Majesty of the Seas est à l'eau. Son constructeur soupire : « La vache, il ne bouge pas. Ils ont donné du mou. Super, nous voici soulagés, parce que l'on n'est jamais sûr dans ce genre d'aventure... » L'assistance applaudit. Maud Fontenoy l'embrasse chaudement : « C'est magnifique. Vous avez donné l'exemple que rien n'est impossible. C'est énorme, un superbe symbole pour ceux qui veulent accomplir leurs rêves les plus fous. François Zanella est allé au bout de lui-même, à force d'amour pour sa passion et de persévérance. »
Les bouchons de champagne sautent. Une chorale entonne : « Au nord, il y a les corons, la terre c'était le charbon... » L'ancien mineur de fond est porté en triomphe. Les officiels sont invités à découvrir l'intérieur : l'ascenseur panoramique ; les deux ponts ; les trois chambres équipées de meubles de paquebots réalisés à Saint-Nazaire ; la salle à manger avec un mobilier kitsch à souhait. François Zanella a même réalisé, au sol, une étoile en marbre bi-colore, avec l'inscription Majesty of the Seas.
Sur les rives de la Sarre, le public ne cesse d'applaudir. « C'est marrant, mais les ponts sont à l'échelle d'une poupée Barbie ! », s'exclame une dame. Les bateliers de Sarreguemines viennent féliciter le nouveau marin. « Maintenant, va falloir vivre dessus ! » glisse François Zanella à son épouse. Puis malicieux, il se retourne, inquiet : « Où est le Dédé ? Je dois prendre quel cap pour aller chez toi... » Parmi les invités de marque, André Levraud sourit. Venu avec la délégation des copains des Chantiers de l'Atlantique, il connaît le nouveau rêve secret de François Zanella : « Il nous reçoit chez lui comme ses fils et nous sommes dans la confidence. On l'a très vite compris, ce n'est aujourd'hui qu'une étape. Il veut nous rendre hommage et emmener le bateau à Saint-Nazaire. Rien ne l'arrêtera ! »
Alain DUSSART.
Article Ouest-France paru le 24/06/2005